Valeur prédictive des motifs de consultation en médecine générale : étude quantitative de la prédictibilité des plaintes par appareil.

Auteur : DAHAN Elie-Sacha - Date de soutenance : 22/02/2024

Contexte : Avec l’avènement de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé, il n’est plus rare qu’un patient rencontre son médecin après un auto-diagnostic. Ces tendances transforment la rencontre patient soignant et modifient l’exposé des signes fonctionnels rapportés par le malade, comme leur interprétation par le praticien. Les données descriptives des plaintes et diagnostics apportés en consultation de médecine générale sont de plus en plus en nombreuses. Pourtant, à ce jour, aucune n’a utilisé ces données de consultation afin d’établir ou d’infirmer une interdépendance entre motifs de consultation et diagnostics retenus en soins primaires.
Objectif : L’objectif principal de cette étude était de mesurer la valeur prédictive des motifs de consultation en médecine générale regroupés par appareil afin d’étudier le lien -s’il existe- entre plainte du malade et diagnostic retenu par le praticien.
Méthode : La recherche a été menée de manière prospective, observationnelle et multicentrique sur une dizaine de terrains de stage ambulatoires proposés aux internes de médecine générale par Sorbonne Université en Île-de-France. La collecte de données a été réalisée dans le cadre d’un projet de recueil collaboratif de données
de consultations appelé R2IMG, s’étendant sur 16 mois à partir de mai 2022. Les données ont été recueillies en utilisant la CISP-2. Les éléments de consultation cliniques ont été retranscrits selon cette classification en codage, lui-même composé d’une lettre (appareil concerné) et d’un nombre à deux chiffres (libellé de l’élément). L’analyse
de l’interdépendance entre les motifs de consultation présentés par le malade et les diagnostics retenus par le praticien a été réalisée en comparant les appareils identifiés (lettres du codage). Cette comparaison s’est d’abord effectuée de manière globale, en examinant si, pour chaque consultation, une similitude d’appareil était présente
entre les motifs exposés et les diagnostics retenus. Les performances des motifs de consultation par rapport aux diagnostics du praticien ont été évaluées par sensibilité, spécificité, valeurs prédictives positive et négative. Dans un second temps, la valeur prédictive positive de chaque appareil a été comparée aux performances prédictives
globales obtenues dans la première partie de cette étude.
Résultats : La base de données utilisée pour cette étude a inclus 687 consultations, comprenant 1.260 motifs de consultation et 887 diagnostics retenus par les praticiens. Les appareils les plus fréquemment représentés tant dans les motifs de consultation que dans les diagnostics retenus étaient l’appareil général (fièvre,
asthénie), l’appareil respiratoire, l’appareil digestif, et l’appareil ostéoarticulaire. Une différence significative (p<0,001) entre les appareils identifiés par les patients dans leurs motifs de consultation et ceux retenus par les médecins dans leurs diagnostics a été mise en évidence. Lorsqu’un malade n’a pas évoqué un appareil dans son motif de consultation, il n’appartenait pas au diagnostic du praticien dans 97,8% des cas (VPN:0,978; IC95%=0,975;0,979). L'appareil mentionné par le patient dans ses motifs de consultation était retrouvé dans les diagnostics du praticien dans 53,5% des cas (VPP:0,535; IC95%=0,511;0,559). Par ailleurs, une variabilité importante de cette valeur localisatrice existait en fonction de l’organe concerné par la plainte. L'appareil respiratoire présentait la meilleure valeur localisatrice (VPP:0,719; IC95%=0,65;0,77), tandis que l'appareil neurologique affichait la moins élevée (VPP:0.207; IC95%=0,14;0,28). Discussion : Cette étude, basée sur une méthodologie rigoureuse, explore de manière approfondie la relation entre les motifs de consultation en médecine générale et les diagnostics retenus par les praticiens. Elle repose sur une recherche multicentrique et un formulaire standardisé, renforcés par l'adoption d’une classification internationale. La taille de l’échantillon et la quantité de données les principales limitations de cette étude. L'examen des éléments de consultation par appareil plutôt restreint la possibilité de détailler les relations entre motifs et diagnostics. De plus, l'étape de traduction des informations cliniques en codage pourrait introduire une variabilité inter-investigateur. Les résultats soulignent l'importance d'un recueil de données structuré pour enrichir la compréhension de l'activité médicale. Une particularité de cette approche réside dans la possibilité de recherche par motif de consultation, ouvrant la voie à l’étude de liens jusqu'alors inexplorés entre certains appareils. La nécessité d'une approche différenciée en fonction des motifs de consultation et des appareils est évidente, et pourrait guider les cliniciens vers une meilleure interprétation des plaintes des patients. Financement : Le projet R2IMG a reçu un soutien financier via le programme RESPIR- 21-023 financé par le ministère de la santé. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt.