ERISS : Enseignement et Recherche sur les Inégalités Sociales de Santé

Introduction

Les séminaires ERIIS : un travail pluri-professionnel unique sur les ISS :

Les séminaires d’Enseignement et de Recherche sur les Inégalités Sociales de Santé (ISS) sont organisés plusieurs fois par an par le Département de Médecine Générale de Sorbonne Université, depuis 2011.

Ils ont pour objectifs de favoriser la réflexion autour de ce thème et d’encadrer les étudiants dans leurs travaux de recherche afin de contribuer à mieux comprendre le rôle des soins primaires dans la réduction des ISS.

Qui peut y participer ?

Tout étudiant ou professionnel (médecin, infirmier, sociologue…) est invité à présenter son travail de recherche sur la thématique de la réduction des ISS en soins primaires.

Les professionnels présents pourront apporter leur éclairage sur cette recherche, et accompagner le travail jusqu’à son aboutissement.

Des experts sont par ailleurs invités à chaque début de séance à présenter leurs pratiques, leurs travaux ainsi que leurs réflexions sur le sujet.

Quels sujets y sont abordés ?

Toute réflexion en lien avec le thème des ISS peut y être présentée. Voici quelques exemples de travaux récemment discutés dans le cadre de thèses ou de mémoires de master:

  • Comment les médecins généralistes prennent-ils en compte la situation sociale de leurs patients en médecine générale?
  • Un repérage systématique des difficultés sociales est-il à recommander en consultation? Quelles limites en termes d’éthique, de faisabilité?
  • De quelles compétences transculturelles ont besoin les médecins généralistes pour accompagner leurs patients ?
  • Comment les hommes d’origine Soninké d’un foyer de migrants appréhendent-ils le dépistage du cancer du côlon?
  • Comment mieux travailler en réseau avec les partenaires du monde social et associatif sur les territoires?
  • Qui sont les coursiers sanitaires et sociaux?

Plusieurs dizaines de travaux antérieurs ont fait l’objet d’articles ou de communications en congrès les années précédentes.

Ce chapitre propose de rassembler les travaux, et de les partager avec le grand public et les professionnels du monde médico-social.

ISS en médecine

1. Les inégalités Sociales de Santé :

Article M Denantes. M Chevillar. Accès aux soins et inégalités sociales de santé en médecine générale , Revue Exercer 

« L’exercice de premier recours confronte le médecin de plus en plus fréquemment aux inégalités sociales de santé et d ’accès aux soins. La vocation du système de soins est de protéger chaque assuré, y compris les plus fragiles. Cet accueil de tous est en voie de dégradation et les médecins généralistes en sont les premiers témoins. Les études issues d’organismes officiels confirment ce constat avec ses conséquences sur la cohésion sociale et la santé publique. Difficultés d’accès aux assurances complémentaires, forfaits et franchises, dépassements d’honoraires, tracasseries avec le tiers payant sont des obstacles majeurs à l ’accès aux soins pour les plus démunis. Les solutions proposées par les pouvoirs publics suivent des logiques contradictoires donc peu lisibles et peu efficaces.

Si nous voulons continuer à exercer ce métier en cohérence avec la déontologie médicale, si nous voulons soutenir un système de santé considéré par l’OMS en 2000 comme « le plus performant en termes de dispensation et d’organisation des soins de santé », nous devons réagir et veiller à ce que les décisions politiques préservent l’accessibilité au système de soins. Plus largement, l’enseignement universitaire de médecine générale devrait intégrer les données relatives aux inégalités sociales de santé et préparer les futurs généralistes à appréhender ce qui apparaît actuellement comme un grand défi du XXIe siècle. »

L’objectif de ce projet est donc de sensibiliser les futurs médecins aux enjeux des ISS et de promouvoir les travaux de recherche sur cette thématique

2. Etudes en lien avec les ISS :

En France et plus précisément dans Les Hauts-De-Seine le Dr C Bois a étudié de 2005 à 2010 (sur plus de 3000 enfants) le taux d’orientation vers une consultation spécialisée des enfants de 3 à 4 ans lors d’un bilan de santé organisé par les PMI du département.Ces taux sont analysés selon 3 critères de fragilité : pratique d’une langue étrangère, scolarisation en zone d’éducation prioritaire et couverture sociale de santé fragile. Les résultats de l’étude montrent que les enfants ayant un ou deux facteurs de fragilité sont d’avantage orientés  (40% et 36.5 %, p<0.001) ainsi que les enfants dont le père est employé ou ouvrier (33.6%, p<0.001). Ceci met en évidence l’existence d’inégalités sociales dès le plus jeune âge avec un possible risque de maintien dans la vie de l’enfant.

Une équipe de recherche composée de médecins (Paris Diderot, Descartes, Grenoble) de chercheurs (INPES), d’économistes…ont retenus 7 informations indispensables à recueillir en consultation : la date de naissance, le sexe, l’adresse, le statut d’emploi, la profession éventuelle, l’assurance maladie et les capacités de compréhension du langage écrit(d’autres facteurs ont été intéressant tel que le fait d’être en couple, nombre d’enfants à charge, le pays de naissance, le niveau d’études…). Une étude qualitative dirigé par le Dr Sekula Cabrol mettait en avant le rôle du médecin généraliste comme principal interlocuteur parmi les spécialistes susceptibles de faire ce recueil (recueil dépendant de la qualité d’écoute et d’en expliquer l’intérêt).

Le Dr M Ballon a étudié l’âge d’apparition des inégalités sociales de croissance des jeunes enfants et identifié l’âge d’apparition de la relation inverse entre le statut socio-économique et l’Indice de Masse Corporelle d’une part, et le surpoids d’autre part en France.Dans la cohorte EDEN de l’étude une analyse a permis l’estimation du poids et de la taille à tout âge de 1764 enfants. Des critères socio-économiques ont été définis par le niveau d’éducation et la profession du père ou de la mère, mais aussi les revenus, les difficultés financières perçues, les découverts bancaires ou encore la couverture médicale. Les résultats ont montré pour la première fois en France la précocité des inégalités sociales de croissance. En effet, Une relation inverse a été retrouvée à 1 mois et vers 3 ans entre l’éducation maternelle et  l’IMC et dès 2 ans pour le surpoids, suggérant que les facteurs de risque sous-jacents sont eux aussi précoces et socialement différentiés.

Concernant l’influence des inégalités sociales de santé dans la prise en charge médicale, l’objectif de l’étude du Dr E Harrar a été d’identifier, à l’échelle du médecin généraliste, les facteurs participant aux inégalités sociales de prise en charge du diabète. Une enquête qualitative portant sur 12 médecins généralistes a permis  de déterminer si les différences observées étaient liées à une limitation de prescription de leur part et/ou à une mauvaise observance de la part des patients. Les résultats de l’étude révèle que l’inégalité de prise en charge observée serait d’avantage liée à la mauvaise observance du patient, conséquence d’une difficulté à l’adhésion thérapeutique face à cette pathologie chronique, liée à l’environnement social et aux comorbidités. Concernant les facteurs liés au système de soins participant à l’inobservance des classes les plus défavorisées on peut noter une communication difficile avec le médecin généraliste, le temps de consultation trop court, mais également une demande d’examen complémentaire supérieur par les patients de niveau social plus élevé participant à cette inégalité.

Bien être / Bien naître

Actuellement en France, près de 10% des femmes enceintes ressentent un mal-être psychologique. Plus de 80% d’entre elles n’en parleront jamais à un professionnel de santé.

L’objectif de ce projet est d’améliorer le Bien-être et la Qualité de vie (QDV) des femmes enceintes par un accompagnement global (bio-psycho-social) des femmes en soins primaires.

  1. L’étude du Dr N Lagadec a permis de mieux comprendre les facteurs associés à la QDV des femmes enceintes. Qualité de vie chez la femme enceinteD’après une revue systématique de la littérature, des facteurs sociodémographiques, physiques et psychiques sont associés à la QDV des femmes enceintes. Ceux-ci sont résumés dans la figure ci-jointe (extrait de l’article paru dans la revue exercer). L’étude du Dr M Thomas a confirmé et précisé ces résultats globaux parmi > 500 femmes recrutées dans une maternité française. Les Dr S Rohani et A Khaled ont précisé le rôle des lombalgies dans l’altération de la QDV des femmes enceintes.
  2. L’étude du Dr M Suthesapalan a eu pour objectif de valider une question unique simple comme outil de dépistage d’une dépression ou d’une mauvaise qualité de vie des femmes enceintes.  Son étude a montré que cette question pourrait être un bon test de dépistage d’un mal-être psychologique, simple, et possiblement à réaliser par tous les professionnels de santé. Elle serait à intégrer aux prochaines recommandations professionnelles pour rendre le suivi de grossesse moins biomédical.
    • Sur le plan psychologique, comment vous sentez vous au cours de cette grossesse?”
  3. L’étude du Dr A Ceylan a permis de mieux comprendre le vécu et les attentes des femmes enceintes vulnérables. Dans une étude qualitative, plusieurs limites ont été décrites dans l’accompagnement actuel des femmes.
    • Suivi par différents intervenants : « Je m’imaginais pas répéter tout à la prochaine sage-femme, ah non »
    • Anonymat des professionnels : « J’étais suivie par une sage-femme, je connais pas son nom »
    • L’attente : “C’est vrai que y a beaucoup beaucoup beaucoup de femmes et euh. Bon c’est vrai que quand on vient à dix heures des fois, on passe à midi. Et c’est vrai que en fait, ici, quand on vient, on sait jamais à quelle heure on sort”
    • La garde des enfants : « C’est ça le problème, comme on n’a pas les papiers, on n’a pas le droit à la crèche. Sachant que je suis étudiante, comment on fait ? je peux pas travailler non plus pour payer une nounou parce que j’ai pas les papiers pour pouvoir aller à la fac »
    • Etc…
  4. La communication entre professionnels de santé a été étudiée dans le travail du Dr M Finet. Dans une maternité de l’Ouest Parisien, pour 150 femmes interrogées, la communication a été jugée satisfaisante pour 8 femmes sur 10, mais celle-ci était surtout réalisée à partir du 7ème mois de grossesse. En cas de mal-être psychologique, la communication devrait être possible, simple et plus précoce.
  5. Le travail actuel du Dr L Dominjon vise à d’évaluer la faisabilité d’un dépistage simple et précoce d’un mal-être psychologique des femmes enceintes par tous les professionnels de santé d’un territoire de santé. Cette étude pilote précède une étude interventionnelle de plus grande ampleur en région parisienne et en Moselle (à paraitre dans le journal Santé Publique). Elle fait actuellement l’objet d’une demande de financement auprès de l’Agence Régionale de Santé.
Les violences

Les violences liées au genre :

Pourquoi parler des violences lorsqu’on parle d’Inégalités Sociales de Santé? Les violences envers les femmes sont un problème de santé publique et ont lieu quelque soit le milieu social.  Nous avons travaillé sur le sujet au sein de notre faculté et pensons qu’elles font partie des Inégalités de genre, donc des Inégalités Sociales de Santé au sens large. Le travail autour de ce thème a pour objectif d’améliorer le repérage de ces femme ainsi que de sensibiliser les professionnels de santé sur la prise en charge et l’accompagnement de ces patientes.

Les violences subies par les femmes :

1. Les violences subies par les femmes en contexte de migration et de précarité :

L’étude de Dr J Estrada a eu pour objectif d’estimer l’importance des violences subies par ces femmes, de vérifier leurs vulnérabilités ainsi que les conséquences sur leur santé. 128 femmes ont participé à cette étude et étaient fortement exposées aux violences. Elles n’avaient pas de couverture sociale pour la majorité d’entre elles. Le lien entre symptômes ressentis et violences subies était peu repéré par le médecin en consultation (peu clair? Expliciter le lien). Les femmes interrogées disaient être prêtes à répondre aux questions sur les violences de la part de leur médecin.

2. Les violences conjugales en périnatalité

Elles ont été étudiées par le Dr H Joudrier. Au sein de l’association SOS femmes de Seine-Saint-Denis, 28 patientes ont été interrogées sur les différents types de violences (physiques, psychologiques, sexuelles et économiques).

  • 100% des femmes ont déclaré avoir subi des violences conjugales.
  • Les conjoints n’avaient pas été choisi pour 36 % des femmes.
  • Toutes les femmes ont dit avoir été victimes de violence s psychologiques,
  • 80 a 90% victime des autres formes de violences. La détection et les aides extérieures apportées ont semblé être insuffisantes pour ces femmes.
  • …. avec un risque accru d’IVG, de fausses couches spontanées et de complication gravidique (est-ce qu’il s’agit des conclusions de l’étude?).

Les violences et leur dépistage par les professionnels :

1. Comment est vécu le repérage des violences sexuelles en consultation par les patientes?

Le Dr M Palisse a étudié le point de vue des patientes afin d’évaluer l’acceptabilité et la faisabilité d’un dépistage. Cette étude quantitative portant sur 145 patientes a mis en lumière les conclusions suivantes :

  • 23,4 % des femmes interrogées avaient subi des violences sexuelles,
  • 93,1% n’avaient pas été questionnées par leur médecin généraliste.
  • Plus de deux femmes victimes sur trois auraient aimé que leur médecin pose la question.

Ces femmes avaient globalement un ressenti positif face aux questions et étaient favorable à un dépistage en consultation.

2. Quels sont les obstacles au repérage des violences conjugales chez les médecins généraliste?

L’étude du Dr M Barroso-Debel a retrouvé comme principaux freins : les représentations négatives des victimes par les médecins,

  • la perception du sujet comme « tabou »,
  • le manque de temps et de disponibilité,
  • l’inefficacité du réseau d’intervenants,
  • le sentiment d’impuissance et d’échec,
  • l’absence de formation médicale.

Il semble qu’une prise en charge pluri-professionnelle et en réseau serait souhaitable afin de diminuer le sentiment isolement des médecins.

3. Quelles sont les connaissances des étudiants en médecine sur les violences liées au genre?

Le Pr G Lazimi a souligné à travers son étude observationnelle (sur 1472 étudiants) le manque de connaissance des étudiants en médecine sur les violences faites aux femmes. Cette étude a également révélé des violences subies par les étudiants :

  • pendant leur exercice professionnel 27.5% des étudiants avaient été victimes de violences verbales,
  • 8% de violences physiques
  • 2% de nature sexuelle.
  • Dans leurs vies privées ces pourcentages ont doublés voir triplés concernant les violences sexuelles.
  • 95 % des élèves étaient favorables à une formation sur le sujet.

4. Quelles sont les connaissances des professionnels autour du lien entre IVG et violences subies ?

L’étude du Dr M Pelizzari a permis d’évaluer la connaissance de ce lien par les médecins généralistes exerçant en ville. Il a été constaté qu’il est peu connu,(30% seulement des médecins de l’étude en avait conscience). Une majorité des médecins étaient favorables à une formation sur le sujet pour améliorer le repérage en consultation.

5. Des pratiques en permanentes évolutions :

Le Dr A Cornilleau a résumé à travers son étude l’évolution des pratiques en médecine générale face aux violences conjugales. En 10 ans, nous observons un meilleur repérage, un sujet plus abordé en consultation mais non encore évoqué systématiquement par les soignants.  Les réseaux et associations spécialisés aident à l’accompagnement des victimes, bien que les médecins se sentent insuffisamment formés et informés.

L'équipe

L’équipe ERISS est composé de :

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